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La semaine du droit de la propriété intellectuelle

Affaires - Immatériel
09/11/2020
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit de la propriété intellectuelle, la semaine du 2 novembre 2020.
Marque – déchéance
« Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 septembre 2016), M. X était titulaire de la marque française semi-figurative « Saint Germain » n° 1, déposée le 5 décembre 2005 pour désigner, en classes 30, 32 et 33, notamment les boissons alcooliques (à l'exception des bières), cidres, digestifs, vins et spiritueux, extraits ou essences alcooliques.
Ayant appris que la société Cooper International Spirits distribuait une liqueur de sureau sous la dénomination « St-Germain », fabriquée par la société St Dalfour et un sous-traitant de cette dernière, la société Etablissements A, M. X a, le 8 juin 2012, assigné ces trois sociétés en contrefaçon de marque.
Ayant été déchu de ses droits sur la marque « Saint Germain » pour les produits précités à compter du 13 mai 2011, par un arrêt, devenu irrévocable, rendu dans une autre instance le 11 février 2014, M. X a maintenu ses demandes pour la période non couverte par la prescription et antérieure à la déchéance, soit entre le 8 juin 2009 et le 13 mai 2011.
Par un arrêt du 26 septembre 2018, la Cour de cassation a saisi la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) d'une question préjudicielle portant sur l'interprétation des articles 5, paragraphe 1, sous b), 10 et 12 de la directive no 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques.
 
Vu les articles L. 713-3, b) et L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, tels qu'interprétés à la lumière des articles 5, paragraphe 1, sous b), 10 et 12 de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques :
Le premier de ces textes interdit, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public, l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement.
Le second de ces textes sanctionne par la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la déchéance ne pouvant prendre effet avant l'expiration de ce délai.
Répondant à la question préjudicielle précitée, la CJUE, par un arrêt du 26 mars 2020 (Cooper International Spirits e. a., C-622/18), a dit pour droit que « l'article 5, paragraphe 1, sous b), l'article 10, paragraphe 1, premier alinéa, et l'article 12, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques, lus conjointement avec le considérant 6 de celle-ci, doivent être interprétés en ce sens qu'ils laissent aux États membres la faculté de permettre que le titulaire d'une marque déchu de ses droits à l'expiration du délai de cinq ans à compter de son enregistrement pour ne pas avoir fait de cette marque un usage sérieux dans l'État membre concerné pour les produits ou les services pour lesquels elle avait été enregistrée conserve le droit de réclamer l'indemnisation du préjudice subi en raison de l'usage, par un tiers, antérieurement à la date d'effet de la déchéance, d'un signe similaire pour des produits ou des services identiques ou similaires prêtant à confusion avec sa marque. »
A cet égard, la CJUE a précisé qu'il convenait d'apprécier, au cours de la période de cinq ans suivant l'enregistrement de la marque, l'étendue du droit exclusif conféré au titulaire, en se référant aux éléments résultant de l'enregistrement de la marque et non pas par rapport à l'usage que le titulaire a pu faire de cette marque pendant cette période (arrêt précité, points 38 et 39).
Par conséquent, la déchéance d'une marque, prononcée en application de l'article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle, ne produisant effet qu'à l'expiration d'une période ininterrompue de cinq ans sans usage sérieux, son titulaire est en droit de se prévaloir de l'atteinte portée à ses droits sur la marque qu'ont pu lui causer les actes de contrefaçon intervenus avant sa déchéance.
Pour rejeter les demandes formées par M. X, l'arrêt retient que celui-ci ne justifie d'aucune exploitation de la marque depuis son dépôt et en déduit que, faute pour la marque d'avoir été mise en contact avec le consommateur, son titulaire ne peut arguer ni d'une atteinte à sa fonction de garantie d'origine, ni d'une atteinte portée au monopole d'exploitation conférée par ladite marque, ni encore d'une atteinte à sa fonction d'investissement.
En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
 
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
Pour rejeter les demandes formées par M. X, l'arrêt retient encore que les pièces produites par celui-ci pour justifier que la liqueur de sureau supportant le signe « St-Germain » avait été commercialisée par les sociétés poursuivies durant la période considérée sont, à l'exception d'une seule, postérieures au 13 mai 2011, date d'effet de la déchéance de ses droits sur la marque « Saint Germain », et en déduit que la réalité de l'atteinte alléguée n'est pas démontrée.
En statuant ainsi, alors que M. X produisait plusieurs pièces comptables, datées de mai 2009 à mai 2011, portant la mention « St-Germain » et relatives à la vente de bouteilles d'alcool sous cette dénomination, la cour d'appel, qui a dénaturé ces documents, a violé le principe susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
En application de l'article 624 du Code de procédure civile, la cassation prononcée sur le bien-fondé de l'action entraîne, par voie de conséquence, celle du chef de dispositif de l'arrêt relatif à la procédure abusive, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ».
Cass. com., 4 nov. 2020, n°16-28.281, P+B *
 

*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 9 décembre 2020
 
Source : Actualités du droit