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Aides d’État : la notion de décision recadrée par le Tribunal de l’Union européenne

Affaires - Droit économique
02/10/2019
Une lettre de la Commission affirmant qu’un système de promotion ne relève pas du régime des aides d’État peut-elle être considérée comme une décision de ne pas soulever d’objections à son encontre ? Dans un jugement rendu le 20 septembre 2019, le Tribunal de l’Union européenne répond par la négative.
Dans cette affaire, deux association tchèques actives dans le secteur des énergies renouvelables avaient adressé une plainte à la Commission concernant le caractère supposément contraire aux règles de l’Union en matière d’aides d’État d’un projet de loi visant à promouvoir l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables. La Commission avait informé les plaignantes, par courrier, qu’elle considérait que le système de promotion envisagé ne constituait pas une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

Plusieurs années plus tard et en regard de l’évolution du projet, la Commission avait adopté une décision énonçant finalement que le régime prévu constituait une aide d’état. Les sociétés bénéficiant de l’aide ont toutefois contesté cette décision, invoquant le fait que l’institution européenne ne pouvait revenir sur la lettre initiale. Elles soutenaient dans leur argumentaire que cette lettre étant une décision définitive, contraignante et toujours en vigueur, la Commission aurait dû l’abroger avant d’adopter de la décision attaquée, qui était de ce fait irrégulière.

Il revenait alors au Tribunal de l’Union de déterminer si la lettre en cause pouvait être considérée comme une décision de ne pas soulever d’objections à l’encontre de l’aide, au sens de l’article 4 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d’application de l’article 108 du TFUE, et si elle revêtait par conséquent un caractère obligatoire au sens de l’article 288 du TFUE.

Une lettre définitive ?

Pour le Tribunal, la lettre en cause ne revêt pas le caractère de décision et doit « être regardée comme un simple avis juridique (…) qui n’est pas de nature à produire des effets de droit ». Elle retient notamment deux éléments à ce titre :
– les services de la Commission avaient précisé que « leurs appréciations étaient fondées “sur la base de l’information disponible“, à savoir, notamment, un “projet législatif“ » ;
– lesdits services invitaient les plaignantes, « si elles devaient avoir à leur disposition de nouveaux éléments de nature à démontrer une violation des règles relatives aux aides d’État, à les en informer dès que possible ».

Il s’ensuit, selon le Tribunal, « que ces services se réservaient la possibilité de revenir sur leur position si de nouveaux éléments devaient leur être apportés, ce qui démontre également que la lettre en question ne revêtait pas un caractère décisionnel ou définitif ».

Un autre point était primordial dans le cas présenté : l’aide contestée était contenue dans un projet de législation, dont les mesures n’étaient, à l’époque de l’envoi de la lettre, « ni notifiées par les autorités tchèques ni mises à exécution ». Un détail qui a son importance, puisque le règlement n° 659/1999 n’autorise pas la Commission à adopter de décision à la suite d’une plainte faisant état d’un projet d’aide qui n’est ni notifié, ni mis à exécution.

Décision sur décision

S’agissant de l’argument selon lequel la Commission ne pouvait pas adopter de décision avant l’abrogation de sa précédente « décision » (étant supposé que la lettre pouvait revêtir ce caractère), le Tribunal juge que celle-ci ne saurait, en tout état de cause, empêcher la Commission d’adopter une décision allant dans le sens contraire, ni la forcer à révoquer la décision précédente avant cette adoption. En effet, les juges relèvent que le projet ayant fait l’objet de la lettre initiale différait substantiellement de celui notifié ensuite.

NB : Les points qui nous intéressent dans cette analyse se situent aux paragraphes 45 à 61 de la décision T-217/17.

Pour des développements complets sur le régime des aides d’État, se référer au Lamy Droit économique et au Lamy Droit public des affaires.
Source : Actualités du droit