Canicules et conditions de travail : de nouvelles obligations renforcées pour les employeurs
La multiplication des vagues de chaleur et l’intensification du dérèglement climatique soulèvent une question cruciale : jusqu’où s’étend la responsabilité de l’employeur face aux risques liés à la chaleur excessive ? L’entrée en vigueur, le 1er juillet 2025, du décret n° 2025-482 du 27 mai 2025 marque un tournant majeur dans la réglementation applicable, en venant préciser et renforcer les obligations légales déjà prévues par le Code du travail. Ce texte, inscrit dans la dynamique du troisième plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC-3), vise à mieux protéger les salariés confrontés à des conditions de travail rendues dangereuses par des températures extrêmes.
Une obligation de sécurité réaffirmée et précisée
Depuis longtemps, le droit du travail impose à l’employeur une obligation générale de sécurité. L’article L. 4121-1 du Code du travail exige de ce dernier qu’il prenne « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». Cette obligation s’applique pleinement lorsque la chaleur rend les conditions de travail pénibles, voire dangereuses.
Le décret de 2025 va plus loin en détaillant les mesures concrètes à mettre en place pour réduire les risques liés à la chaleur. L’article R. 4463-3 du Code du travail prévoit notamment :
- Des aménagements techniques pour limiter le rayonnement solaire sur les chantiers extérieurs et éviter l’accumulation de chaleur à l’intérieur.
- Une évaluation spécifique des risques liés aux épisodes de forte chaleur, à intégrer dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP).
- La mise à disposition d’eau potable et fraîche, en quantité adaptée, avec des moyens pour la maintenir au frais toute la journée (art. R. 4463-4).
- La protection contre les conditions atmosphériques via des équipements adaptés et une organisation du travail révisée.
Des obligations spécifiques visent les travailleurs vulnérables (âge ou état de santé) et ceux exposés en extérieur : pauses à l’ombre, horaires aménagés et tenues adaptées (art. R. 4463-3, 1° et 3°).
Un seuil de vigilance désormais opposable
Innovation majeure : la définition d’un seuil de déclenchement des mesures de prévention fondé sur les niveaux de vigilance Météo-France. Dès que le seuil orange (canicule) est atteint, l’employeur doit adapter l’organisation du travail pour préserver la santé des salariés (art. R. 4463-1). Ce mécanisme rend la réglementation plus lisible et facilite son contrôle.
Sanctions et recours en cas de manquement
Le non-respect de ces obligations peut caractériser un manquement à l’obligation de sécurité, voire une faute inexcusable si l’employeur avait conscience du danger sans agir. En cas d’accident grave ou mortel, la responsabilité pénale peut être engagée pour blessures ou homicide involontaires.
Le salarié peut saisir l’inspection du travail ou le comité social et économique (CSE). Il peut aussi exercer son droit de retrait (art. L. 4131-1) en présence d’un « danger grave et imminent », sans accord préalable, s’il dispose de motifs raisonnables de le penser.
En définitive, le décret n° 2025-482 consacre une avancée majeure dans la protection des travailleurs face aux effets du changement climatique. Il renforce les obligations pesant sur les employeurs et offre un cadre opérationnel clair. La prévention devient une exigence concrète, contrôlable et opposable. À l’heure où les épisodes de chaleur extrême se banalisent, ces évolutions adaptent le droit du travail aux réalités contemporaines et placent la santé des salariés au premier plan.