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Contestation de créance : conséquence de l’absence de saisine du juge du fond

Affaires - Commercial
04/06/2021
Le juge-commissaire qui s’estime incompétent pour trancher une contestation reste compétent, une fois cette contestation tranchée par le juge compétent ou la forclusion acquise, pour statuer sur la créance déclarée, en l’admettant ou en la rejetant. En cas de forclusion, seule la partie qui avait intérêt à saisir le juge compétent supporte, dans le cadre de la procédure de vérification des créances, les conséquences d’une telle absence de saisine.
Statuant, dans la présente affaire, au visa des articles L. 624-2 (rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014) et R. 624-5 (rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2014-736 du 30 juin 2014) du code de commerce, la Cour de cassation rappelle qu’il résulte de ces textes que : "le juge-commissaire qui s'estime incompétent pour trancher une contestation reste compétent, une fois la contestation tranchée par le juge compétent ou la forclusion acquise, pour statuer sur la créance déclarée, en l'admettant ou en la rejetant. En cas de forclusion, l'admission ou le rejet de la créance déclarée dépend du point de savoir quelle partie avait intérêt à saisir le juge compétent, seule cette partie devant, dans le cadre de la procédure de vérification et d'admission des créances, supporter les conséquences de l'absence de saisine de ce juge".
 
Incompétence du juge-commissaire
 
Selon les faits de l’espèce, la SAS X… ayant fait l'objet d'une procédure de sauvegarde par jugement du 13 décembre 2012, puis d'un plan de sauvegarde le 26 février 2014, la banque Y… avait déclaré au passif de la procédure une créance de 149 995,62 euros au titre du solde débiteur d'un compte courant. Alors que la société débitrice avait contesté cette créance, le juge-commissaire, retenant que cette contestation excédait les limites de son pouvoir juridictionnel, s'était déclaré incompétent par ordonnance du 13 janvier 2015.
 
Se prévalant de ce que la société X… ou son mandataire n'avait pas, dans le délai de un mois fixé par l'article R. 624-5 du code de commerce, saisi la juridiction du fond pour trancher la contestation, la banque avait demandé au juge-commissaire de tirer les conséquences de cette carence et de statuer sur la demande d'admission de sa créance ; par ordonnance du 18 juin 2015, ce dernier avait déclaré la demande irrecevable. L’arrêt infirmatif de la cour d’appel intervenu par la suite avait été cassé.
 
Devant la cour d’appel de renvoi, la banque avait invoqué, notamment, la jurisprudence de la Cour de cassation pour soutenir qu'il appartenait au débiteur ou au mandataire judiciaire, à l'origine de la contestation, de saisir le juge du fond de celle-ci dans le délai prévu par l’article R. 624-5 précité et soutenu, qu’à défaut, le juge-commissaire devait constater la forclusion concernant cette contestation sur le fond de la créance et admettre celle-ci au passif au vu des pièces versées établissant tant son principe que son montant.
 
Débiteur à l’origine de la contestation
 
La cour d’appel de renvoi a confirmé l'ordonnance du juge commissaire en date du 18 juin 2015 ayant déclaré irrecevable la demande d'admission de créance formée par la banque (CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 10 oct. 2019, nº 19/02020, Lamyline).
 
Après avoir rappelé qu’en vertu de l’article R. 624-5 du code de commerce, dans son libellé applicable au litige, "la décision d'incompétence du juge-commissaire statuant sur l'admission d'une créance ouvre au créancier, au débiteur et au mandataire judiciaire un délai de un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré pour saisir la juridiction compétente à peine de forclusion, à moins de contredit", les juges du fond ont retenu :
 
— que le juge-commissaire saisi de la contestation de la créance s'est, par l’ordonnance du 13 janvier 2015, déclaré incompétent sans ordonner de sursis à statuer,
 
— que la banque n'a pas formé contredit contre cette décision ni saisi le juge du fond dans le mois suivant l'avis qui lui avait été adressé,
 
— que, quel que soit son bien-fondé, cette décision d'incompétence a acquis autorité de la chose jugée et a dessaisi le juge-commissaire de la demande d'admission de la créance contestée, en application de l'article 481 du code de procédure civile,
 
et ils en ont déduit que c'est à bon droit que, par l'ordonnance du 18 juin 2015, le même juge-commissaire s'est estimé dessaisi et a déclaré irrecevable la seconde demande d'admission formée par la banque pour la même créance.
 
Saisie sur pourvoi de la banque, la Haute juridiction casse cet arrêt en toutes ses dispositions pour violation des deux articles susmentionnés et renvoie les parties devant une autre cour d’appel.
 
Pour aller plus loin 
Pour des développements complémentaires sur l’incompétence du juge-commissaire dans le cadre de l’admission des créances, se reporter au no 3709 de l’édition 2021 du Lamy droit commercial.
Source : Actualités du droit